Introduction
Cela fait maintenant 2 ans que je pratique la photographie argentique, principalement sur les thématiques des mouvements sociaux et des milieux alternatifs.
Je voulais vous partager aujourd’hui, grâce à l’invitation de mon ami Mehdi Daroux, les intentions et les processus que je mets en place lors de mes prises de vues mais également lors de la post-production argentique : le développement.
Le Contexte
Tout d’abord, j’aimerais vous donner un contexte.
Fin décembre 2018, je me décide à prendre mon vieux Nikon FT avec une pellicule, afin d’aller voir ce qu’il se tramait lors des premières manifestations Gilets Jaunes. Il s’avérera que je finirai blessé avec en prime une pellicule inexploitable.
Je profite de mes deux semaines d’ITT (Icapacité Temporaire de Travail) pour réfléchir à une nouvelle démarche, plus adaptée au contexte de manifestations urbaines.
Mon expérience dans différentes ZAD (Zone à Défendre), où je recherchais le contact et la proximité en utilisant majoritairement des courtes focales me donna l’envie de travailler cette fois-ci l’usage de la longue focale.
Prendre de la distance sur le « sujet »
Prendre de la distance vis à vis de mon sujet me semblais déjà primordial : le laisser vivre, loin de l’image qu’il voudrait se donner en voyant un objectif, son moment de manifestation, de révolte, de contacts humains.
Il fallait également que je puisse prendre de la distance pour ma sécurité et pour mon stress que je n’arrivais plus à gérer lors des moments de confrontations, en plus de tout un attirail de protection.
J’avais le besoin de « regarder » l’action et de pouvoir l’interpréter afin d’en dégager une image ; mon image.
Cela permet également de voir le comportement des gens, et de ses compères : l »expression « nuée de photographes » ne sort effectivement pas de nulle part, et je ne supportais plus cette ruée incessante vers le moindre problème, j’avais aussi besoin d’une distance humaine.
La technique au service de l’artistique
La plupart des clichés de ces premières séries dégagent une forme de quiétude et de sérénité.
L’usage d’une longue focale, pour ma part entre 50mm et 300mm sur un format 24*36 permet vraiment d’isoler son sujet mais également de le structurer par rapport à son environnement, à son décor. Le fait d’être en extérieur, avec souvent une forte lumière du jour, me permet aussi d’avoir l’obturateur à mon avantage : une vitesse rapide, souvent entre 1/500 et 1/1000 selon ce que permet le boitier, marque les gestes et fixe précisément les mouvements et les regards furtifs.
Quel plaisir de redécouvrir sa ville sous un jour différent, l’architecture Lyonnaise étant particulière, entre urbanisme intense et rues aérées, j’essaie le plus souvent de la mettre en corrélation, les notions d’équilibre des masses, de lignes directrices et de prises de risques dans des compositions, prennent tout leur sens.
Je bascule progressivement au noir et blanc sur le long de l’année, j’expérimente, je me retrouve même finalement au cœur de l’action avec mes collègues, tout en gardant une certaine ligne : distancier mes sujets.
Le développement : La photographie argentique entre contrainte et expérimentation
Je finis par développer moi-même mes pellicules grâce à l’aide d’un ami et du magnifique outil qu’est internet.
Les résultats sont nettement différents de ceux de laboratoires. Mais une autre esthétique s’en dégage.
Je décide donc de travailler avec des pellicules périmées, moins onéreuses mais beaucoup plus hasardeuses lors des développements.
Je récupère également de vieux appareils argentiques ayant tous différents problèmes mineurs pour tenter de continuer à les faire vivre, même dans des situations risquées.
Ce mélange d’univers chimiquement et mécaniquement imparfaits modifie profondément les images, elles ressortent usées, ternies, contrastées, les unes sur les autres et ouvre une nouvelle fenêtre qui n’existait pas, un instant qui a échappé au temps, qui parfois m’a aussi échappé.
C’est là que la magie du développement intervient.
La manipulation pour traiter des pellicules noir et blanc est assez simple et accessible, pas besoin d’avoir une chambre noire ni d’être chimiste, de la rigueur et de la curiosité suffisent.
Je ne peux que vous recommander l’excellent tutoriel du site DansTaCuve : ici
J’ai fait mes premières armes grâce à eux et leurs explications sont claires et détaillées, c’est une évidence pour moi que de vous le conseiller.
Une fois cette mécanique comprise, j’expérimente également les temps de développement et différents produits, volontairement je tente de surexposer ou de sous-exposer des poses afin de mieux me rendre compte de ce qu’est le Grain et de comment il réagit.
Ce texte pourrait être sans fin tant les expérimentations et ce qui s’en dégage n’en ont.
Je conclurais simplement en faisant le lien entre ce que les mouvements sociaux et moi expérimentons : soyons créatifs.
Si vous souhaitez voir le reste de mon travail de photographie argentique, voici le site collaboratif sur lequel j’ai différents reportages et séries : ici
Merci de m’avoir lu.
Geoffrey Rodriguez